vendredi 6 décembre 2013

Magal Touba 1964 : Discours de Serigne Fallou Mbacké par son secrétaire particulier El Hadji Dame Dramé



Une fois de plus, le chef de l'Etat, notre grand et cher ami le président Senghor nous honore de sa visite, en venant aujourd'hui rehausser de sa prestigieuse présence le niveau de cette grande fête du monde mouride. Ce faisant il ne fait que consacrer une habitude, devenue désormais une tradition. En effet, l'assiduité du Chef de l'Etat aux grands jours du Mouridisme traduit plus qu'une amitié personnelle entre le Chef de l'Etat et le Khalif général des Mourides, elle traduit surtout le respect que le Chef de l'Etat a pour nos valeurs spirituelles, en même temps qu'elle reflète la sollicitude agissante du gouvernement pour l'Islam. Sa présence, ce jour, à nos côtés, ne nous surprend donc pas. Mais rassurez-vous, Monsieur le Chef de l'Etat. La fréquence de vos visites ne nous fait pas oublier un seul instant les grands sacrifices que vous vous imposez à chaque fois que vous devez venir à Touba en une telle circonstance. Pour ne parler que d'aujourd'hui, vous avez dû retarder le conseil de Cabinet qui aurait dû, normalement, avoir lieu ce jour, pour pouvoir être des nôtres.

Ce sont des choses que nous ne pouvons pas passer sous silence. C'est vous dire que nous mesurons à sa trés juste valeur le prix de l'honneur que vous nous faites. Nous vous en exprimons, en notre nom et en celui des Mourides, notre profonde gratitude. Nous saluons la présence ici des Chefs des autres communautés musulmanes du Sénégal et celle des marabouts maures Moussa Ahmad et Youssouph, représentants de la grande et noble famille des Sidyas de Mauritanie, trés attachée à notre famille. Nous saluons aussi la présence des délégations musulmanes des autres Etats. Leur présence ici est l'illustration la plus frappante de l'indivisibilité de l'Islam. Aprés avoir salué, comme il se doit, le chef de l'Etat, les grands dignitaires de l'Etat et les élus de la Nation, ainsi que les représentants des pays amis, et déploré l'absence de notre cher enfant et député-maire Doudou Thiam, ami et bras droit du Chef de l'Etat, en vacances méritées, nous nous tournons maintenant vers vous, chers et honorables invités. Vous savez avec quelle joie sincère nous vous retrouvons à Touba, au terme d'une année de séparation. Les nombreuses obligations de la vie moderne, les problémes particuliers à chacun d'entre vous, les exigences familiales et les intempéries ne vous ont pas rebutés. Mieux, vous êtes venus, plus nombreux communier avec nous, démontrant ainsi le pacte tacite qui nous lie. Est-il besoin de vous dire notre reconnaissance et de vous souhaiter la bienvenue sur cette Terre Sainte qui vous est déjà familière ?
Chaque année, à l'occasion de cette manifestation religieuse, Touba devient, pour un jour, la capitale du Sénégal, par la présence dans ses murs des plus hautes personnalités de l'Etat et des élus de la Nation, et par celle, combien importante aussi, des représentants de toutes les couches sociales du pays. Cette rencontre, ces retrouvailles, dirions-nous, de toute les composantes de la société sénégalaise en ce haut lieu de l'esprit illustre, s'il en était besoin, l'absence de tout sectarisme et de tout confessionnalisme au sein de notre peuple, en même temps qu'elle témoigne de son unité et de sa cohésion.A une époque où le tribalisme et les divisions internes se font de plus en plus sentir chez les jeunes nations dont ils paralysent le développement et la stabilité, il est réconfortant de constater qu'au Sénégal, le Seigneur nous a préservé de ces maux. Nous souhaitons qu'il en soit toujours ainsi.

L'usage veut qu'à l'occasion de cette grande réunion familiale (car c'est la grande famille sénégalaise, une et indivisible, qui se trouve rassemblée ici) nous vous parlons du mouridisme. Il ne serait que juste de vous dire que nous sommes à court d'inspiration, ayant épuisé avec vous, dans d'autres cérémonies de ce genre, tous les sujets relatifs au mouridisme, à son fondateur, au pèlerinage et à la mosquée de Touba. Nous vous rappellons seulement que le pèlerinage annuel de Touba est la commémoration de l'anniversaire du jour où Cheikh Ahmadou Bamba reçut la révélation divine de sa mission. Ce jour, le 18eme du mois lunaire de "Cafar", était la journée d'hier célébrée avec ferveur, selon la recommandation du Grand Maître, par les Mourides partout où ils se trouvent. Tout grand mouvement religieux digne de ce nom a son jour de fête particulier, qui rappelle à ses adeptes une étape importante de sa constitution ou de son évolution. Ce jour, pour les Mourides, est le pèlerinage annuel de Touba, ordonné par Ahmadou Bamba lui-même. 

Quand à Cheikh Ahmadou Bamba, il était un rénovateur, un réformateur, un être exceptionnel qui a fondé le Mouridisme en puisant aux sources les plus pures et les plus limpides de l'Islam, mais en lui donnant un cachet spécifiquement sénégalais. Ainsi, le Mouridisme, mouvement islamique sénégalais, ne se rattache à aucunne autre secte située en dehors de nos frontières et sa métropole religieuse n'est ni au Nord, ni à l'Est, mais là tout prés, à deux pas de nous. Cela, c'est l'indépendance spirituelle. Le Mouridisme est un ordre religieux Islamique. Cela, il est bon de le rappeler, certains ayant tendance à le considérer comme une religion nouvelle. Or, le Mouridisme, est seulement une grande confrérie comme l'Islam en compte dans le monde. Son originalité réside dans sa coloration nationale et dans l'apport des principes nouveaux et vivifiants que son Fondateur a introduit dans son dogme, et dont les principaux sont le Travail, l'Ordre et la Discipline librement consentie. Confrérie typiquement africaine, le Mouridisme, à la différence des autres autres religieux, a puisé ses valaurs exclusivement dans le terroir, sans, pour autant, cesser de pouvoir soutenir la comparaison avec les confréries les plus orthodoxes de l'Orient Arabe. Et s'il a encouru de sitôt l'ire des colonisateurs, c'est surtout à cause de la prise de conscience nationale à laquelle il préludait