Le Kaju Rajab (27e
jour du mois lunaire) marque l'anniversaire de l'institution des cinq
prières canoniques dans l'Islam. Cet événement qui eut lieu au cours du
Voyage Nocturne et de l’Ascension (Al Isrâ wal Mihrâj) effectués par le Prophète (P.S.L) nous est relaté par le Coran: « Gloire et Pureté à Celui qui, de nuit, fit voyager Son Serviteur [le Prophète Mouhamed] de la mosquée Al Harâm [à la Mecque] à lamosquée Al Aqçâ [à Jerusalem]» [S17 V1].
Dans
son poème "Noûrou Dârayni", Cheikh Ahmadou Bamba semble faire allusion à
ce fameux événement lorsqu'il adresse cette prière au Tout-Puissant: " Accorde-moi la bénédiction d'Al Isrâ " (vers 1671) et à partir du vers 1691 comme preuve de l'exaucement de cette prière, on peut lire en acrostiche: " Kaju Rajab m'a honoré".
En tout état de cause, le kaju Rajab coïncide également avec la venue au monde, dans la nuit d'un certain vendredi de 1886 à Darou Salam, du 2e Khalif général des mourides Serigne Mouhammadou Fâdhilou MBACKE plus connu sous le nom de Serigne Fallou.
Toujours
dans le poème précité, Khadimou Rassoûl rend grâce à DIEU pour les
privilèges et les grâces dont IL l'a gratifié au mois de Rajab en lui y accordant "le plus haut Miracle" (vers 509/510). Serigne Fallou était incontestablement un véritable miracle!
Il convient de noter que c'est Serigne Fallou lui-même qui, le premier, célébra le Kaju Rajab. En effet il passait la nuit du Kaju Rajab à Darou Salam pour s'y consacrer à la prière et se livrer à la lecture du Coran et des Khaçaids.
Serigne
Fallou était très attaché à la Prière; cela est normal, devrait-on me
dire, pour quelqu'un dont la naissance et l'avènement de la Prière
partagent le même anniversaire. Elhadj Fallou assuma concomitamment à
son statut de khalif général de mourides les fonctions de Imâm de la
Grande mosquée de Touba jusqu'à sa disparition.
On
retrouve le même attachement chez son fils Serigne Mouhammadou Lamine
Bara MBACKE (récemment rappelé à DIEU, comme son illustre père!, ce 17e
jour de Rajab) qui, nonobstant la foule immense qu'un khalif général
draine et les désagréments causés, se déplaçait à pied chaque vendredi
jusqu'à la Grande mosquée pour assister à la prière.
Tout
cela n'est pas étonnant pour un fils et un petit-fils de Serigne Touba
qui n'hésita pas à prier sur l'océan sur le chemin de l'exil dans des
circonstances drastiques!
Serigne Fallou était également très dévoué à la lecture du Coran dont Serigne Touba disait, entres autres : " [ô Dieu] fais que Ton Livre m'accompagne partout où je suis; ô Bienfaiteur Tu as mis le Kun Fa Yakûn à ma disposition" (cf
"Noûrou Dârayni" vers 97/98). Par conséquent, on peut aisément
comprendre le pouvoir thaumaturge de Serigne Fallou dont les prières
voire les seuls vœux prononcés connaissaient une prompte réalisation.
Cela ne doit pas pour autant effaroucher les soi-disant orthodoxes eu égard à ce verset où Dieu dit « En vérité, la Grâce [«Fadl ou ngenèel en wolof »] est en la main d’Allah. Il la donne à qui Il veut » (S3 V72)
Fils
du Très-Vénéré Cheikh Ahmadou Bamba et de la sainte Sokhna Awa Bousso,
Serigne Fallou a appris et maîtrisé le Coran auprès de Serigne Ndame
Abdou Rahmane Lô. Grand calligraphe, une quarantaine d'exemplaires de ce
saint Livre sont inscrits à son actif. Cet éminent érudit a fait ses
humanités en sciences religieuses (théologie, jurisprudence, soufisme)
auprès de Mame Thierno Ibrahima MBACKE, frère et disciple de Serigne
Touba. Celui-ci parachèvera sa formation religieuse.
Pieux,
magnanime et généreux, Serigne Fallou était un guide ouvert, élégant,
courtois et d'abord très facile. Il fut un poète hors pair et un grand
maître dans la rhétorique utile. Sa riche et vaste production prosaïque
et poétique et ses nombreuses sentences orales témoignent de sa maîtrise
de l'arabe et du wolof.
Ce
grand homme de Dieu accomplit le pèlerinage à la Mecque peu après le
rappel à DIEU de son Vénéré Père dont il réalisa ainsi l'intention. Il
était alors accompagné de plusieurs de ses concitoyens.
Patriote
et véritable acteur de développement, Serigne Fallou exhortait les
disciples mourides à travailler la terre pour assurer une autosuffisance
alimentaire et mettait en garde contre l'exode rural. L'histoire
contemporaine a fini de lui donner raison: en effet, on assiste
aujourd'hui à une paupérisation croissante des grandes villes
consécutive à ce phénomène, avec ses corollaires qui ont noms: mendicité
endémique, chômage chronique, délinquance juvénile, promiscuité,
habitation précaire…
Plusieurs
réalisations à Touba sont inscrites à l'œuvre titanesque de ce saint
homme: le lotissement de la ville, l'éclairage public, la dotation en
forages, le bitumage de certaines routes, l'édification du marché Okâz,
le parachèvement de la Grande Mosquée…
Serigne
Fallou a fondé plusieurs villages dont Touba Bogo, Aliya, Sâm Yabal,
Ndindi. Par ailleurs, c'est dans la localité de Diolof, en présence de
Serigne Mouhammadou Moustapha MBACKE (1e Khalif), Serigne
Massamba MBACKE et Serigne Mor Rokhaya BOUSSO, respectivement frère et
neveu de Serigne Touba, que Serigne Fallou fit le serment d'allégeance
ou Jebbêlu en wolof.
Dans un célèbre poème épistolaire, Serigne Fallou s'adresse à Cheikhoul Khadim en ces termes: "je
te vends mon statut de fils en échange de celui de disciple et quant à
la valeur de la transaction, j'y renonce pour t'en faire cadeau pieux".
L'attachement
et le dévouement de Serigne Fallou au CHEIKH étaient ineffables! Le
parachèvement de la Grande Mosquée de Touba que son illustre
prédécesseur Serigne Mouhammadou Moustapha avait entamée en témoigne.
En
effet, c'est Cheikh Ahmadou Bamba qui leur avait intimé l'ordre formel
d'édifier cette moquée. Serigne Fallou en fit un sacerdoce sous son
magistère qui dura de 1945 à 1968, année de son rappel à Dieu.
Il consacrait une bonne partie de l'argent provenant des récoltes de ses différents daaras à la construction de cet édifice qui trône aujourd'hui majestueusement dans la ville sainte de Touba et dont il donna le nom Lamp Fall au plus haut minaret, en hommage au preux chevalier et phare du Mouridisme Cheikh Ibra Fall.
Le 7 juin 1963, Boroom Ndindi réalisa ce vœu cher au Serviteur du Prophète (P.S.L) qui avait déclaré : "L'ETERNEL m'a gratifié d'un édifice éternel qui se dressera jusqu'au Paradis".
L'édification
de cette Grande mosquée, la célébration commune du Grand Magal à Touba
et la première impression des khassayid constituent des réalisations et
des initiatives titanesques de Serigne Fallou qui lui auraient suffit
comme œuvres à la tête du mouridisme.
Puisse Dieu sanctifier son mystère et gratifier son fils S.Bara de Son Agrément!
Puisse
Dieu accorder à son neveu le khalif général des mourides Serigne Cheikh
Sidy Moukhtar et à son homonyme Serigne Fallou MBACKE Chouhaïbou
longévité et santé par la Grâce de Kaju Rajab!
Cheikh
Amadou Bamba SEYE, prof. d'anglais au lycée Ahmadou Ndack SECK de
Thiès. Responsable de la commission cultuelle et scientifique de
Mahanrif: Dahira des Acteurs Mourides de l'Education.